5 raisons de choisir l'écriture inclusive
Gildas Mergny
11/29/2023
Arguments et conseils d'écriture inclusive
Le langage évolue avec la société. Mais l’inverse est-il vrai ? Dans une étude réalisée par le linguiste Sylvain-Lionel Houville, celui-ci considère que la langue n’a, en soi, pas d’existence propre, mais qu’elle vit parce que la société qui la parle vit. On peut toutefois se demander si la langue détient un pouvoir de transformation de pensée sur ses locuteurs et locutrices, et serait capable d’exercer une influence sur les changements sociétaux.
Si tel est le cas, il nous vient tout naturellement la question de l’écriture inclusive et de l’importance que pourrait avoir celle-ci dans l’évolution des sociétés francophones, et notamment de la société française.
Les origines de l’écriture inclusive
La langue française, sujet de recherche et outil de travail
Je, tu, il, nous, vous, ielles ? La langue française tire sa grammaire et sa structure d’une histoire singulière.
Dans un TedTalk aussi instructif que divertissant, les linguistes belges Arnaud Hoedt Jérôme Piron nous expliquent comment la langue française s’est développée autour d’un système de classe en établissant ses règles d’orthographe sur des percepts d’étymologie et de fidélité aux grandes pensées de la Grèce ancienne.
La difficulté toujours plus grande de notre langue est qu’elle ne se prononce pas du tout de la manière dont elle s’écrit… À moins que ça ne soit l’inverse ! J’ai moi-même enseigné le français à de jeunes espagnol·e·s dont la langue maternelle se retranscrit en toute simplicité. Les yeux ronds, le regard perdu, les pauvres élèves me demandaient souvent : « Pero profe, porque se escribe así ? ». Eh oui, monsieur le professeur… Pourquoi ça s’écrit comme ça ?
Je suis linguiste dans le sens anglophone du terme. Je ne suis donc pas un scientifique de l’évolution de la langue comme Arnaud et Jérôme, mais un façonneur de discours écrit entre écriture créative, rédaction marketing et traduction spécialisée. La langue est pour moi un outil.
Sans pour autant prétendre être un expert en linguistique, je dois me tenir informé des dernières découvertes des linguistes (sens francophone du terme, s’il vous plaît) pour affûter ma plume et rester dans l’air du temps.
L’harmonisation de l’orthographe français
Comme le soulignent très bien Arnaud et Jérôme, le français n’avait, avant le XVIIe pas d’orthographe uniforme et chacun·e pouvait écrire comme bon lui semblait. Je ne jetterai pas totalement la pierre à l’uniformisation de la langue, qui facilite notamment la lecture.
Comme le démontre une étude de l’université de Cambridge, notre cerveau ne lit pas toutes les lettres une par une pour conclure qu’il s’agit d’un mot déjà connu dans notre belle base de données qu’est la mémoire. À la place, il affecte un concept directement à un ensemble de lettres qu’il prend comme un tout : le cerveau lit les mots, pas les lettres. C’est pourquoi nous butons sur les mots que nous ne connaissons pas : notre cerveau doit l’assimiler pour faciliter la lecture.
Ainsi, uniformiser l’orthographe a permis d’éviter la création de variantes de mots et a grandement participé à faciliter la lecture.
Conseils d'écriture inclusive
Pas qu’une question de genre
Parce que l’orthographe a subi de nombreuses modifications et uniformisations dictées par une élite, les partisant·e·s de l’écriture inclusive cherchent à renverser la tendance en se réappropriant notre belle langue. Retravailler l’orthographe, c’est changer activement les modes de pensée installés dans notre esprit commun.
Et si vous pensez que l’écriture inclusive a pour unique objectif de défendre l’égalité homme-femme, vous n’y êtes pas tout à fait. En effet, écrire inclusivement, c’est adresser son message de façon à inclure un lectorat le plus large possible. Il s’agit de rédiger de manière à ce que n’importe quelle personne se sente concernée, impliquée.
L’écriture inclusive, c’est donc aussi éviter les tournures ou le vocabulaire trahissant de l’âgisme, du validisme, du racisme ou tout autre type de discrimination. Pour rappel, voici un petit guide contre les discriminations qui vous aidera, peut-être à vous rendre compte que toutes et tous sans exception intégrons dans notre discours des idées reçues qui peuvent blesser.
Écriture inclusive : règle... Ou plutôt : technique
Pour celles et ceux, et tout le monde entre les deux, qui soufflerait déjà d’exaspération, je tiens à vous rassurer : ajuster votre écriture à un mode plus inclusif, ce n’est pas forcément changer drastiquement votre orthographe ni adopter des signes de ponctuation qui ne font pas l’unanimité.
1. La reformulation
Loin d’être la plus facile à appliquer, cette technique est pourtant la plus simple ! Il faut simplement se creuser un peu plus la tête qu’à l’ordinaire. Ici, l’objectif est de changer son vocabulaire ou la structure de sa phrase pour en dégager un sens plus inclusif. Un exemple ?
Neutralisation en changeant la structure de la phrase :
Phrase non inclusive : Êtes-vous sûr de vouloir quitter la partie ?
Phrase inclusive : Voulez-vous vraiment quitter la partie ?
Neutralisation en changeant le vocabulaire :
Phrase non inclusive : Les Hommes descendent de l’australopithèque
Phrase inclusive : L’espèce humaine descend des australopithèques
Neutralisation en factualisant :
Phrase non inclusive : Vous travaillerez aux côtés de jeunes dynamiques.
Phrase inclusive : Vous rejoindrez une équipe dynamique entre 20 et 40 ans.
2. Le point médian
Le fameux, l’inévitable, l’effrayant signe de ponctuation que redoutent tant de puristes académicien·ne·s s’invite sur votre écran. C’est bien le point médian. Pourtant utilisé largement en français canadien pour l’inclusion et en catalan pour se substituer à notre trait d’union, le point médian est délaissé de la communauté française.
Les raisons pour ce refus généralisé de l’utiliser sont diverses, mais la plus objective reste encore que le point médian ne s’adapte pas à tous les types de lecture et peut même devenir gênant pour les personnes dyslexiques, notamment.
Utilisez-le à bon escient.
Neutralisation féminin-masculin
Exemple non inclusif : Les auteurs de fantasy ont toujours l’esprit un peu dérangé.
Exemple inclusif : Les auteur·ice·s de fantasy ont toujours l’esprit un peu dérangé.
Remarque : je peux le dire, j’écris moi-même de la fantasy
Exemple d’utilisation du point médian par de grands médias :
Netflix et son affiche pour la série Marianne
Copyright : Netflix
Meta
France Télévision : Drag Race France
5 bonnes raisons de choisir l’écriture inclusive dans votre communication
1- S’adresser au lectorat dans sa totalité
À moins d’avoir une intention claire d’écrire du contenu pour une cible très précise, on apprécie que ce que nous rédigeons soit lu par le plus grand nombre. Il est donc bien normal de s’adresser à un lectorat élargi en prenant en compte que chaque individu est différent.
En utilisant les règles de l'écriture inclusive, vous impliquez une audience plus grande et rassurez vos lecteur·trice·s sur vos intentions. Vous déclarez que votre écriture est un safe space.
2- Défendre ses valeurs politiques
L’Académie française est forte. Très forte. Avec l’aide des réactionnaires attaché·e·s à la vieille orthographe élitiste, elle est parvenue à définir des clans clairs entre celles et ceux qui utilisent l’écriture inclusive, et ceux et celles qui la renient. À faire passer le message "écriture inclusive : interdit".
Suivre ces conseils d’écriture inclusive, c’est afficher clairement ses valeurs humaines et politiques. C’est une manière passive (quoique, pas tant que ça) de faire avancer les choses dans le sens que l’on a choisi.
3- Jouer un rôle dans la lutte pour l’égalité des genres
« Le masculin l’emporte sur le féminin » ? Cette règle de grammaire, nous l’avons toutes et tous entendue. Mais est-elle encore d’actualité ? Si vous êtes professeur·e, est-ce ainsi que vous choisirez d’expliquer la langue française à vos élèves ?
Écrire inclusivement, c’est aussi prendre part à la lutte pour l’égalité entre les hommes et les femmes, mais également pour la liberté de la grande diversité de genres ou non-genres qui se sont révélés ces dernières décennies.
4- Participer à l’évolution de la langue
Si vous écrivez, vous avez également ce désir de laisser une trace, un lambeau de votre histoire, de votre passage sur Terre. Ajuster sa graphie à l’inclusivité fait partie des initiatives silencieuses qui participent à l’évolution de la langue française.
5- Prendre les devants et rester dans l’air du temps
Beaucoup de choses étaient certainement mieux avant. Oui. Mais pour qui ? Accepter et adopter dès maintenant l’écriture inclusive pour donnera une longueur d’avance sur le développement de notre bel idiome, et sur celles et ceux qui rechignent à observer une graphie traditionnelle désuète.
N’est-ce pas tout simplement merveilleux ? D’avancer avec son époque ?
Pour découvrir plus d'articles sur la linguistique, l'évolution de la langue et des conseils d'écriture de fiction abonnez-vous à mon blog ! La fantasy, le mystère et le polar vous passionnent ? Rendez-vous sur mon Instagram pour entrer dans mon univers.
Découvrez d'autres articles de blog
Réseaux sociaux
Tous droits réservés ©2024 Gildas Mergny